Qu'est ce que la littérature scientifique ?

Avec l'universitarisation de la formation des masso-kinésithérapeutes, reconnue grade Master depuis 2021, la recherche scientifique s'est imposée dans le programme de tous les instituts de formation. Les étudiants ont pour obligation de réaliser un mémoire de fin d'étude, avec pour objectif l'initiation à la recherche scientifique.

La recherche scientifique c'est quoi ?

Pour faire simple, c'est se poser une question, et tenter d'y répondre. Je dis bien tenter, car la réponse n'est jamais simple. Donc on écrit un article pour répondre à une question et pour qu'il soit publié, on le soumet à des revues scientifiques. Il est généralement soumis à un comité composé d'experts qui sera garant (ou pas) de la qualité de l'article. Ils sont ensuite référencés dans des bases de données bibliographiques, accessibles grâce à des moteurs de recherche spécialisés comme Pubmed.
Cependant, aucun système n'est parfait et publication n'est pas systématiquement gage de qualité. En 2012, Franz H. Messerli réussi à faire publier un article volontairement fallacieux dans un prestigieux journal, établissant un lien entre manger du chocolat et... obtenir un prix Nobel !

Pourquoi est-ce complexe ?

Un article scientifique répond à des critères très précis. Pour les études quantitatives (largement majoritaire dans le milieu biomédical), il doit être rédigé sous la forme IMRAD: Introduction, méthode, résultats, discussion.

• L'introduction

L'introduction permet d'exposer l'état des connaissances sur un sujet au moment de sa rédaction. Elle introduit ainsi une question de recherche. Elle concerne une population spécifique, une intervention, un élément de comparaison et une variable d'intérêt.
Par exemple : nous cherchons à évaluer, chez les patients atteints du COVID, l'efficacité de la chloroquine (comparé à l'absence de traitement), en mesurant un score de difficulté respiratoire.
Il y a déjà un piège : l'effet placebo. Même si le traitement est inefficace, le comparer à l'absence de traitement ne permettrait pas de dire si le traitement est plus efficace qu'un placebo.

• La méthode

Il existe plusieurs types de questions. Dans le cas de l'exemple cité, nous sommes sur une question thérapeutique, mais il en existe beaucoup d'autres (diagnostique, pronostic...). Chaque type de question possède des niveaux de preuves. L'avis d'un médecin renommé un argument recevable, mais il est au plus bas de la pyramide du niveau de preuve.

Les essais contrôlés randomisés bien menés permettent d'apporter de solides éléments de réponse, comme indiqué sur la pyramide ci-dessus. Pour ce, nous devons détailler le protocole que nous allons réaliser, ainsi que les variables qui seront mesurées. Le tout fait l'objet d'un enregistrement pré-étude afin de limiter tout changement en cours de route et ne sélectionner que ce qui nous arrange.

La méthodologie et son application sont les éléments cruciaux d'une étude. Elles permettent de limiter les biais et d'établir un lien de causalité et de répondre à la question de départ si elles sont bien réalisées. Sans méthodologie robuste, nous pouvons observer des liens de corrélation (purement statistique) et non pas de lien de causalité.
Par exemple, nous pouvons faire le lien entre avoir un briquet et le cancer du poumon. Le briquet n'est pourtant pas la cause du cancer. C'est d'ailleurs sur cet aspect que notre cher Franz H. Messerli a joué pour nous tromper avec son article sur le chocolat.

En pratique, il est difficile d'appliquer strictement les protocoles d'études, que ce soit pour des raisons techniques ou financières.

• L'interprétation des résultats et discussion

C'est dans cette partie que les résultats sont exposés et analysés. C'est une partie nécessitant une maîtrise des biostatistiques afin de pouvoir exploiter les résultats. Les modèles mathématiques nous permettent de réduire de risque d'erreurs (risque alpha, puissance statistique...) mais celui-ci ne demeure pas nul.

Il faut ensuite interpréter les résultats et prendre du recul sur le travail réalisé. Quels sont les biais qui peuvent interférer avec ces résultats ? Il existe de très nombreux biais (biais de sélection, participation, attrition...) et ils feront l'objet d'un autre article.

La discussion fait donc suite aux résultats, mais se doit d'être critique et d'évoquer toutes les limites de l'étude. Vous l'avez compris, rien n'est tout blanc ou noir, tout est une affaire de gris.

En pratique

Sans se prétendre chercheur, je pense qu'il est important pour tous les professionnels de santé de savoir lire et avoir un regard critique sur la littérature scientifique. Avec internet, l'information est de plus en plus accessible et il est impératif de savoir faire la part entre les ressources fiables et le contenu parfois mensonger que l'on retrouve en quantité industrielles sur les réseaux sociaux.

Il existe pour chaque type d'étude des échelles de qualité de qualité méthodologique afin de pouvoir juger la qualité d'un article. C'est long et fastidieux, surtout lorsqu'on débute, mais nécessaire afin d'être le plus efficace possible dans sa prise en charge. C'est un des critères qui nous fera utiliser une technique plutôt qu'une autre. 

Le mot de la fin

Il me tenait à coeur d'écrire cet article, afin que tout le monde puisse comprendre l'enjeu et la complexité scientifique dans les professions paramédicales. J'ai vécu en 2020 la crise COVID au coeur des hôpitaux. J'ai entendu nombre de choses sur l'efficacité des tests, l'efficacité des traitements et j'ai vu le complotisme fleurir au sein même de ma profession. "Faites vos propres recherches", maintenant que je sais le faire, je peux vous garantir que lorsque des études sont manipulées pour orienter le résultat, cela se voit.

La prochaine fois que vous hésiterez à investir dans un produit pour votre santé, posez-vous la question : est-ce prouvé par la science, ou est-ce du marketing ?
N'hésitez pas à consulter un professionnel de santé ou un spécialiste si besoin !

Prenez soin de vous,

Olivier CF